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A la découverte des contes

... La vouivre de Vouvry ...

Récit du vol de son diamant

La vouivre de Vouvry.

La vouivre est un serpent volant d’une longueur et d’une grosseur colossales. Elle porte sur la tête une aigrette ou couronne étincelante. Elle a sur le front un oeil unique, vrai diamant lumineux qui brille comme une boule de feu ou comme une étoile. Cette escarboucle mobile l’éclaire dans sa route aérienne et lui sert pour ainsi dire de lanterne. Elle projette une si vive lumière qu’elle se voit de très loin.

Lorsque la vouivre voltige avec bruit de monts en monts, on voit sortir de sa bouche une haleine de flammes et d’étincelles, qui fait briller les paillettes de ses écailles et de ses ailes gigantesques. Comme il lui arrive parfois de se baigner dans les lacs et les torrents, elle a soin, avant de se jeter à l’eau et d’y prendre ses ébats, de secouer l’escarboucle précieuse et de la déposer sur le rivage. Ce diamant étant d’un grand prix, plus d’un homme courageux a tenté de tuer le dragon ou de profiter du moment où il prenait ses ébats dans les flots pour s’approprier son bijou.

A Vouvry, village dont quelques étymologistes ont voulu rattacher le nom au souvenir de ce serpent[1], on raconte qu’un homme de la localité, s’étant embusqué pendant qu’une vouivre se baignait dans le Rhône, eut le bonheur de prendre le fameux diamant, puis se hâta de le cacher sur le rivage dans une caisse garnie de clous dont les pointes étaient dirigées en dehors. Une fois hors de l’eau, la vouivre furieuse s’élança sur la caisse qu’elle enroula et enserra sous l’étreinte de ses gigantesques anneaux.

Dans sa rage impuissante, elle ne réussit qu’à s’enfoncer les clous dans le corps et finit par mourir de ses blessures. Glorieux et triomphant, l’heureux valaisan rapporta dans son village non seulement le précieux diamant, mais l’énorme vouivre.

 

Alfred Cérésole, Légendes des alpes vaudoises

« Récits, contes et légendes du Chablais »

Editions à la Carte, 2000



[1] Dans l’acte de restauration de l’abbaye de Saint-Maurice par le roi Sigismond, en 516, Vouvry figure pour la première fois sous le nom de Vouregium. En 921, ce nom s,écrit Vuoureia, et depuis le XIIe siècle, Vuvriacum ; en 1017, Vobreum ; d’où il résulte que l’étymologie du nom de ce village semble étrangère aux souvenirs de la vouivre. Ce qui n’empêche pas que, pendant bien des années des processions ont été faites pour mettre la contrée à l’abri des attaques de ce monstrueux serpent.

 

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