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A la découverte des contes

... Les Chamosards et les fées du Gru ...

Solandieu (Albert Duruz) Récits, contes et légendes d’Ardon Chamoson et Leytron Editions à la Carte, 2003

 

Adossée à la paroi du roc de Gru, au-dessus des villages d’Ardon et de Chamoson, il existe une ruine de rempart d’un fort disparu.

Ce rempart, qui dut être jadis un poste de surveillance avancé sur le chemin d’accès, abrita, à son origine, des êtres inconnus, vivant en dehors de toute civilisation. Les Romains de la plaine l’appelaient : Castellum Fatarum (le Castel des Fées). Celles-ci, malignes et méchantes, comme toutes celles habitant le septentrion, sortaient la nuit, fourrageant les vignes et les champs d’alentour.

Si bien que les colons romains, nouvellement immigrés, résolurent de se débarrasser de ces hôtes incommodes en les expulsant.

Mais en l’apprenant, les fées allèrent trouver les Chamosards, et leur proposèrent un accommodement d’où résulterait certainement un grand bien pour tout le pays. Elles s’engagèrent, si on leur promettait de les laisser vivre en paix dans leur retraite, de canaliser et de couvrir le Rhône dans toute son étendue sur le territoire des Ardonins et des Chamosards, assurant que par ce travail de géants, elles feraient de cette région la plus prospère de toute la vallée.

L’offre était tentante, mais elle pouvait cacher certains subterfuges, ce qui décida les colons à refuser toute transaction.

Les fées rentrèrent donc dans leur castel de fort méchante humeur, jurant bien qu’elles ne s’en iraient qu’à leur corps défendant, et que leur départ forcé serait suivi de terribles représailles.

Un matin, à l’aube naissante, le castel des fées était assiégé par une troupe de guerriers armés d’épieux et de massues. Le siège empêchait toute évasion, si ce n’est par un couloir à pic, où les aigles et les vautours avaient seuls, jusque-là, osé s’engager.

Mais les fées avaient prévu le coup et prirent toutes leurs mesures. Dès qu’elles eurent aperçu les Chamosards escaladant le roc de Gru, elles allumèrent tout autour de leur rempart des monceaux de sapins résineux, dont la fumée âcre et noire ne tarda pas à masquer tout le castel.

Les guerriers, surpris par ce stratagème, n’osèrent ni avancer, ni reculer, entourés qu’ils étaient de précipices dangereux. Ils restèrent donc sur place jusqu’à ce qu’au bout d’un temps qui leur parut très long, ils commencèrent à voir clair autour d’eux.

Alors, un à un, et la massue haute, ils avancèrent dans le castel des fées qu’ils trouvèrent désert, tout avait disparu, comme si jamais âme qui vive n’eût vécu en ces lieux abandonnés. Le feu avait détruit tout ce que les fées n’avaient pu emporter dans leur fuite audacieuse par le couloir, où elles avaient nécessairement dû passer pour gagner la plaine et un refuge plus hospitalier.

Les Chamosards rentrèrent chez eux un peu déçus d’une aventure qui ne leur avait rapporté ni trophées, ni gloire. Mais dès ce jour, leurs récoltes furent respectées et ils purent jouir en toute paix du fruit de leurs travaux.

Les menaces de représailles des fées romaines ne furent d’ailleurs pas toutes sans effet.

 

 

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